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Avatar photo nori - Le 10 janvier 2024

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Mark Rothko – Une plongée suspendue

À la Fondation Louis Vuitton, l’exposition Rothko offre une expérience qui dépasse largement la simple contemplation. C’était une ballade, un esquif. Un lent glissement dans un monde de couleurs qui respirent et vibrent. Face aux rouges profonds, aux bruns ternes, aux noirs qui semblent avaler la lumière, on sent la peinture devenir un portail interdimensionnel .

Les nocturnes, pensées comme un prolongement sensoriel de l’exposition, ajoutent encore une dimension intime. La musique de Max Richter, discrète mais présente comme une pulsation sous la peau, enveloppe les salles d’une douceur mélancolique. Elle accompagne les tableaux sans jamais les dominer, comme si elle éclaire la part invisible qu’on devine dans chaque couche de pigment.

Dans ce face-à-face silencieux avec Rothko, difficile de ne pas penser à Histoire du silence d’Alain Corbin. Car ici, le silence ne se définit pas par l’absence de son, mais par la qualité de l’écoute. On retrouve ici cette intuition qu’il emprunte à Charles de Foucauld, pour qui le silence est une manière d’arpenter le monde autrement. Et c’est précisément dans cette logique que la musique de Max Richter intervient, presque paradoxalement : non comme un bruit qui s’impose, mais comme une forme de silence élargi. Ses notes lentes, presque translucides, ne recouvre pas les toiles mais fusionnent. La couleur de Rothko et le son de Richter semblent partager cette même disposition « foucauldienne » : une attention extrême, un recueillement qui ne cherche ni le spectaculaire ni cérémonial. Richter ne comble rien, il donne, comme de Foucauld, l’accès à une zone plus nue, où silence, lumière et peinture deviennent une seule expérience.

Dans ce dialogue rare entre peinture et musique par intermittence, l’exposition réussit à rendre visible quelque chose d’essentiel : cet instant fragile où une œuvre ne parle plus à l’œil, mais directement à l’âme.

Argentine
Porte Dauphine

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